Un propriétaire foncier responsable de 1,8 M$ de dommages-intérêts suite à une contamination environnementale
Lors d’une décision susceptible de s’avérer déconcertante pour les propriétaires fonciers et les exploitants d’entreprises, la Cour d’appel de l’Ontario a récemment tenu un propriétaire foncier responsable des effets environnementaux néfastes résultant d’actes accomplis entre 1960 et 1974. La partie défenderesse, Fraser Hillary’s Limited (Fraser), a commencé à exploiter une entreprise de nettoyage à sec en 1960. Fraser mettait alors au rebut des solvants en se conformant aux pratiques exemplaires en vigueur à l’époque, qui consistaient simplement à les déverser sur le sol. En 1974, l’acquisition d’un nouvel équipement a permis d’éliminer le déversement des solvants. En 2003, une analyse environnementale a été menée sur la propriété du plaignant, qui était adjacente à la propriété de Fraser. Suite aux conclusions de cette analyse, qui a déterminé que la propriété du plaignant était contaminée, une poursuite a été introduite à l’encontre de Fraser pour délit de nuisance en common law et dommages-intérêts compensatoires en vertu de la Loi sur la protection de l’environnement de l’Ontario. Le tribunal de première instance a statué en faveur du plaignant et ordonné à Fraser de verser des dommages-intérêts de plus de 1,8 M$. Fraser a fait appel, en faisant valoir que le chapitre correspondant de la Loi sur la protection de l’environnement n’était pas applicable de manière rétroactive et que la prévisibilité du préjudice, exigée dans le cadre d’une réclamation pour nuisance en common law, n’existait pas dans ce cas.
La Cour d’appel a maintenu la décision, en constatant que même si la partie applicable de la Loi sur la protection de l’environnement est entrée en vigueur en 1985 seulement, elle imposait à quiconque qui avait auparavant possédé ou contrôlé un polluant au moment de son déversement de tenter de remédier à la contamination, que la pollution se soit ou non poursuivie. En omettant ceci, Fraser pouvait être tenue responsable. Comme l’a stipulé le tribunal, « Le temps ne s’est pas arrêté en 1974 aux fins de la responsabilité en vertu du paragraphe 99(2)… En d’autres termes, même si les déversements ont eu lieu avant l’entrée en vigueur du chapitre X de la Loi sur la protection de l’environnement, les obligations de Fraser en vertu de ce chapitre de la loi se poursuivent ». Concernant la réclamation en common law, la Cour d’appel a précisé qu’il n’existait aucune exigence de prévisibilité du préjudice liée au délit de nuisance. Ainsi, même si Fraser a mis au rebut les solvants conformément aux pratiques exemplaires en vigueur à l’époque et même si la contamination de la propriété du plaignant n’était pas prévisible à l’époque où les solvants ont été mis au rebut, la partie défenderesse pouvait être tenue responsable de nuisance tant que la contamination avait considérablement et anormalement nui à la propriété du plaignant.
Relativement à certaines infractions en vertu de la Loi sur la protection de l’environnement, y compris les infractions liées au déversement de contaminants comme c’était le cas ici, la responsabilité peut être imputée aux directeurs et aux administrateurs, que l’entreprise ait ou non été poursuivie ou condamnée. Il est également possible que les membres du conseil d’administration ou les dirigeants soient cités dans les poursuites alléguant des violations délictueuses en common law ayant des effets néfastes sur l’environnement. Les évolutions actuelles des polices d’assurance responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants ont élargi la couverture de sorte que la police primaire puisse maintenant, dans certains cas particuliers, permettre d’indemniser les individus assurés s’ils venaient à être cités dans des poursuites suite à une contamination environnementale. Dans certains cas, les polices d’assurance des administrateurs et des dirigeants s’appliqueront également au cas où l’individu assuré est responsable des coûts inhérents à un arrêté de nettoyage ou de décontamination émis par le ministère de l’Environnement. Toutefois, l’étendue de la couverture varie grandement sur le marché et ne sera pas systématiquement proposée. Une police d’assurance responsabilité civile contre l’atteinte à l’environnement reste recommandée comme option de transfert de risque préférable pour les questions environnementales.