La Cour suprême du Canada rend une décision sur l’attribution d’actes de fraude à des personnes morales
Le plus haut tribunal du Canada a récemment rendu une décision sur la législation relative à l’attribution d’actes de fraude à des personnes morales, infirmant ainsi la décision de la Cour d’appel de l’Ontario et établissant un précédent définitif en la matière. Dans l’affaire Christine DeJong Medicine Professional Corporation c. DBDC Spadina Ltd., les DeJong ont investi plus de 3,8 millions de dollars, par l’intermédiaire de sociétés de placement, dans plusieurs sociétés immobilières dont les Walton étaient copropriétaires. Toutefois, à l’insu des DeJong, les Walton ont détourné une grande partie des placements des DeJong, retirant des fonds des sociétés des DeJong pour s’en servir à leurs propres fins et pour acheter des propriétés immobilières. Le Dr Bernstein a également investi auprès des Walton et a été victime de fraude; il a été le premier à découvrir la manœuvre frauduleuse des Walton. Le Dr Bernstein a tenté d’obtenir réparation non seulement directement des Walton, mais également des sociétés des DeJong. Selon les allégations du Dr Bernstein, les sociétés des DeJong avaient contribué à la fraude en connaissance de cause puisque la manœuvre frauduleuse globale des Walton avait recours à ces sociétés. Par la suite, un séquestre a été nommé pour les sociétés des DeJong et ces derniers ont cherché à récupérer une partie de leurs placements des produits de la liquidation de leurs propriétés immobilières. Puisque la réclamation équitable du Dr Bernstein pour « aide apportée en connaissance de cause » ciblait ces produits, les DeJong, en pratique, auraient tout perdu si la réclamation avait été accueillie.
En infirmant la décision de la cour d’appel, la Cour suprême a conclu à l’unanimité que les sociétés des DeJong ne devaient pas être tenues responsables de la fraude. Traditionnellement, la doctrine de l’attribution d’actes à une personne morale exigeait que les éléments clés qui suivent soient établis avant que l’état mental de l’âme dirigeante, comme un employé clé, un dirigeant clé ou un administrateur clé, puisse être attribué à une personne morale : les actes posés par la personne qui constitue l’âme dirigeante 1) entraient dans le domaine d’attribution de ses fonctions; 2) n’étaient pas totalement frauduleux envers la société; 3) avaient en partie pour but ou pour conséquence de procurer un avantage à la société. Le tribunal a conclu que les tribunaux n’ont pas le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour attribuer les actes d’une personne à la société si ces critères minimaux ne sont pas respectés. À l’inverse, toutefois, alors que l’attribution d’actes répréhensibles à la personne morale serait contraire à l’ordre public, les tribunaux ont la possibilité de conclure que la société et ses employés individuels sont distincts, de telle sorte que la société ne peut être tenue responsable des actes répréhensibles de ces employés. Dans cette affaire précise, le tribunal a conclu que la connaissance des Walton ne pouvait pas être attribuée aux sociétés des DeJong, puisque les actes des Walton étaient frauduleux envers ces sociétés et qu’elles n’en ont pas bénéficié. Ainsi, la réclamation du Dr Bernstein contre les sociétés des DeJong ne pouvait pas être accueillie. Le tribunal a également déclaré que, pour que l’acte d’aide apportée en connaissance de cause soit accueilli, l’aide doit prendre la forme d’une conduite précise – le fait d’être un pion ou une courroie de transmission ne suffit pas. Le défendeur doit plutôt avoir posé un certain acte précis pour aider le fiduciaire dans sa violation du devoir fiduciaire. Dans cette affaire, aucun élément de preuve n’a permis d’établir que les sociétés des DeJong avaient posé un acte visant à contribuer à la fraude.
De nombreuses polices d’assurance responsabilité civile qui offrent une certaine couverture pour les personnes morales, comme l’assurance responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants, comportent des dispositions qui précisent les circonstances dans lesquelles la connaissance de certaines personnes clés peut être attribuée à l’organisation. L’assurance responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants peut offrir une protection financière non seulement aux cadres supérieurs et aux membres du conseil d’administration lorsqu’ils font l’objet d’une réclamation en responsabilité d’un tiers, mais également à l’organisation. Alors que les sociétés ouvertes sont limitées à une couverture pour des poursuites liées à des valeurs mobilières, les sociétés fermées bénéficient d’une couverture étendue, limitée uniquement par les modalités et les exclusions de la police. Les polices les plus avantageuses comportent un libellé qui attribue uniquement la conduite et la connaissance des principaux cadres supérieurs, comme le chef de la direction et le chef des finances, à l’organisation aux fins de la détermination de l’admissibilité de l’entité à la couverture. De cette façon, les actes d’autres employés malhonnêtes ne peuvent pas être attribués à l’organisation aux termes de la police, réduisant ainsi la portée potentielle de la doctrine de la common law relative à l’attribution d’actes à une personne morale par contrat.