La Cour suprême du Canada examine la distinction entre salarié et entrepreneur indépendant
Dans la récente décision Modern Concept d’entretien inc. c. Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics de la région de Québec, la majorité de la Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d’appel du Québec en statuant que, compte tenu de l’intégralité de la relation entre les parties, le franchisé en cause était un salarié. Modern Concept d’entretien inc. (Modern), une entreprise d’entretien ménager établie au Québec, offre des services à ses clients par l’entremise d’un réseau de franchisés, dont Francis Bourque. Les intérêts de M. Bourque étaient représentés dans le litige par le Comité paritaire de l’entretien d’édifices publics de la région de Québec (Comité), un organisme qui veille au respect et à l’application du Décret sur le personnel d’entretien d’édifices publics de la région de Québec (le Décret), et, par extension, de la Loi sur les décrets de convention collective (la Loi). Le Décret et la Loi prévoient diverses protections pour les employés, comme le paiement du salaire minimum. Aux termes d’une enquête, en 2014, le Comité a conclu que M. Bourque était un employé de Modern et avait par la suite intenté des poursuites portant sur le salaire impayé de M. Bourque. Cependant, Modern, a fait valoir que M. Bourque était un entrepreneur indépendant.
Le tribunal de première instance a déterminé que M. Bourque était un entrepreneur indépendant. La Cour d’appel a infirmé la décision du tribunal de première instance, et la majorité de la Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d’appel. En concluant que le statut de franchisé de M. Bourque n’était pas un facteur déterminant, la Cour suprême a souligné que l’analyse d’une relation d’emploi doit porter sur la nature de la relation entre les parties, sans égard aux termes et dénominations utilisés dans un contrat. En accord avec la Cour d’appel, la Cour suprême a déclaré que la structure commerciale de Modern dans son ensemble doit être analysée pour déterminer qui assume les risques commerciaux et la possibilité de réaliser un profit. Dans ce scénario, le tribunal a conclu que M. Bourque n’a jamais assumé les risques commerciaux de la relation; ses risques assumés étaient plutôt liés aux conditions de travail. De plus, la Cour a conclu que la nature de la relation entre Modern et M. Bourque limitait la capacité de M. Bourque d’organiser son entreprise et, en fin de compte, limitait son potentiel de générer des revenus. Pour ces motifs, la Cour a conclu que M. Bourque était effectivement un salarié.
Les entreprises de nombreux secteurs font plus que jamais appel à des entrepreneurs. Toutefois, cette décision devrait les mettre en garde contre le fait que, malgré les termes et dénominations contenus dans un contrat, la relation d’emploi d’une personne sera évaluée par les tribunaux en examinant l’ensemble de la relation entre les parties. En dehors de ce cas particulier au Québec, les employeurs peuvent avoir de nombreuses d’obligations juridiques envers les employés qui ne s’étendent pas aux entrepreneurs indépendants. La catégorie supplémentaire des entrepreneurs dépendants, dans laquelle les travailleurs ont les caractéristiques et les droits connexes d’employés et d’entrepreneurs indépendants, rend la situation plus complexe. Il est donc extrêmement important que les employeurs comprennent et reconnaissent la distinction entre les trois catégories de travailleurs. L’assurance de responsabilité civile liée aux pratiques d’emploi offre une protection financière aux employeurs contre les réclamations présentées par des employés anciens, actuels et potentiels concernant les politiques, pratiques ou conditions d’emploi. Les polices d’assurance responsabilité civile liée aux pratiques d’emploi dont le libellé est le plus large s’appliqueront si un entrepreneur indépendant ou dépendant poursuit son employeur pour un risque couvert en vertu de la police; toutefois, certaines polices exigent que les entrepreneurs soient indemnisés de la même manière que les autres employés afin que l’employeur puisse bénéficier de la couverture. De plus, de nombreuses polices ne font encore référence qu’aux entrepreneurs indépendants, ce qui laisse planer une ambiguïté quant à la question de savoir si les poursuites intentées par des entrepreneurs dépendants déclencheraient l’application de la police. La couverture pour les réclamations impliquant des entrepreneurs est loin d’être la norme sur le marché de l’assurance de responsabilité civile liée aux pratiques d’emploi, et les assurés devraient consulter leur courtier pour comprendre les limites de leur couverture si leur effectif comprend des entrepreneurs indépendants ou dépendants.