Aon Pension Survey 2018
Enquête : le travailleur belge reçoit une assurance-groupe d’un montant moyen de 188€ par mois des employeurs
- Cela signifie un supplément de pension de 326€ par mois en fin de carrière
- La pension complémentaire est nécessaire pour conserver le niveau de vie après la pension
- Mais les taux d’intérêt bas exercent une pression sur ce système
- Enfin, la connaissance des Belges en matière de pension est dramatiquement faible
Diegem, le 14 décembre 2017 – Le travailleur belge reçoit une pension complémentaire moyenne de 188 euros par mois de son employeur. Lorsqu’il atteint l’âge de la pension, ce versement représente un capital de quelque 130.000 euros, soit un montant mensuel supplémentaire de 326 euros. Les pensions complémentaires sont actuellement sous pression, notamment parce que les taux d’intérêt restent bas sur les marchés financiers. Et il faut également compter avec d’importantes disparités entre statuts (ouvrier, employé, cadre), entre secteurs et même entre entreprises. Aon met en garde : « Les Belges ne semblent pas avoir conscience que le deuxième pilier est désormais absolument nécessaire pour conserver leur niveau de vie une fois qu’ils ont pris leur retraite », avertit Colette de Dessus les Moustier.
La société de conseil Aon réalise tous les quatre ans une enquête sur les plans de pension complémentaire (assurances-groupes et fonds de pension) de 300.000 travailleurs belges répartis dans 210 entreprises et 13 secteurs.
Il s’agit en d’autres termes non seulement de l’enquête la plus vaste sur les plans de pension complémentaire, mais aussi de la seule qui puisse donner une image représentative des plans de pension des travailleurs belges. Le rapport Aon fait office d’étude de référence sur la pension complémentaire.
Il ressort du Pension Survey 2018 qu’un travailleur percevant un salaire moyen épargne quelque 188€ par mois grâce au plan de pension complémentaire de l’employeur, presque toujours via une assurance-groupe. 1 Calculé sur la base d’un employé âgé de 40 ans touchant un salaire brut de 3.650 euros par mois (le salaire moyen du travailleur belge en 2017), sur la base de la cotisation moyenne au plan de pension (4,45 % du salaire brut) et de la cotisation personnelle moyenne (0,75%).
Chaque année, les employeurs cotisent 2260€ pour la pension complémentaire d’un travailleur. Et les travailleurs eux-mêmes cotisent en moyenne 381€ par an.
Ce système représente en fin de carrière une poire pour la soif non négligeable : en moyenne, 2,5 fois le dernier salaire annuel (130.000€ au total), soit un supplément de pension de 326 euros par mois . Nous le voyons, le deuxième pilier de pension fournit aux pensionnés une contribution cruciale en termes de niveau de vie. 2 Calculé sur la base d’un salaire brut moyen de 4.072 euros pour un employé âgé de 64 ans.
Calcul : un supplément de 14% du dernier salaire net grâce au plan de pension
- Un employé touchant un salaire moyen recevrait en 2017 une pension légale de 1.656€ nets, soit 71% de son dernier salaire net.
- Avec une pension complémentaire, il recevrait 326 euros nets par mois en plus. Le travailleur obtient ainsi un taux de remplacement de 84% de son dernier salaire net.
Il y a longtemps que la pension complémentaire n’est plus un « petit extra ». Elle est plutôt une nécessité, avertit Colette de Dessus les Moustier (Aon).
Colette de Dessus les Moustier, Expert Advisor Pensions: « Une pension complémentaire via l’employeur – une « assurance-groupe » en langage courant – n’est plus un luxe depuis longtemps. Elle est devenue progressivement un passage obligé pour conserver un revenu décent après l’âge de la pension. Qui plus est, la pension complémentaire est aussi un des moyens les plus intéressants, fiscalement parlant, de se constituer un capital »
En moyenne, la pension légale d’un employé ne s’élève qu’à 71% de son dernier salaire net. Pour un cadre, ce chiffre plonge même à 52%, c’est-à-dire la moitié du revenu perçu à la veille de la pension.
Colette de Dessus les Moustier: « Les personnes qui n’ont pas constitué de deuxième pilier s’exposent en d’autres termes à une forte diminution de leur niveau de vie après leur départ à la retraite. La pension légale belge est actuellement une des plus basses d’Europe. »
Il n’empêche, selon Aon, le travailleur belge n’a toujours pas pris conscience du fait que le deuxième pilier représente une partie cruciale du salaire. L’enquête menée par Aon montre que seulement 9% des salariés comprennent la composition précise de leur salaire et les avantages d’une pension complémentaire.
Colette de Dessus les Moustier: « De toute évidence, les Belges ne comprennent pas la gravité de la crise qui touche le régime de pension, pas plus d’ailleurs que l’intérêt de constituer une pension complémentaire pour conserver leur niveau de vie après leur départ à la retraite. »
Mais la pension complémentaire se trouve elle-même sous pression, notamment parce que les taux d’intérêt restent bas sur les marchés financiers. Par rapport à il y a quatre ans, tous les statuts perdent du terrain. Cette diminution, exprimée en capital à l’âge de la pension , se décompose grosso modo comme suit :3 Berekend op basis van mediaanplannen
- Cadres : de 4 à 3 années de salaire
- Employés : de 3 à 2,5 années de salaire
- Ouvriers: stable, à environ 2 années de salaire
Colette de Dessus les Moustier: « Les plans de pension semblent prendre la mauvaise direction. Alors que l’espérance de vie augmente, ils se réduisent. »
L’origine de ce problème est à rechercher dans le financement des plans de pension. 82% de plans de pension sont financés via la Branche 21 à un taux d’intérêt garanti. Actuellement, la plupart des plans relevant de la Branche 21 offrent un intérêt garanti de seulement 0,25%.
Colette de Dessus les Moustier: « Si nous tenons compte d’une inflation moyenne de 2% par an, les travailleurs perdent de l’argent avec ces plans. Les taux d’intérêt avaient déjà quelque peu baissé en 1999, passant de 4,75% à 3,25%. Ils sont ensuite restés inchangés jusqu’en 2013, après quoi ils ont subi une baisse très rapide. Aujourd’hui, le taux d’intérêt moyen s’élève à 0,25% et nous avons atteint le seuil psychologique de 0%. »
Certains assureurs détiennent encore dans leur portefeuille des assurances-groupes Branche 21, mais ne souhaitent plus proposer de nouveaux plans dans la branche 21. Pour atteindre un rendement plus élevé, les entreprises se tournent vers certaines alternatives comme la « Branche 23 » (une assurance-groupe sans taux d’intérêt garanti par l’assureur) ou des fonds de pension. Ce type de financement est plus risqué, mais il génère un rendement plus important.
Le fonds de pension est une solution où l’entreprise crée un organisme autonome pour constituer une épargne-pension. Et elle a le vent en poupe. Sur les 363 plans de pension analysés par l’enquête d’Aon, 17% sont financés via un fonds de pension.
Colette de Dessus les Moustier: « Travailleurs et employeurs devront prendre davantage de risques dans les plans de pension pour obtenir du rendement. Les fonds de pension gagnent du terrain. Ils ne sont pas réservés uniquement aux grandes entreprises. De petites entreprises peuvent par exemple rejoindre Le « Fonds de pension Aon United Pensions », qui réunit de multiples employeurs, afin de bénéficier d’avantages d’échelle. »
Autre constat : le rendement plus faible des plans de pension est supporté de plus en plus souvent par le travailleur, une évolution causée par l’évolution de la structure des plans de pension.
En 1996, 70% des plans de pension étaient mis en place avec un objectif financier prédéterminé (« l’objectif à atteindre »). L’employeur garantissait un montant déterminé au terme d’une carrière complète et assumait en d’autres termes le risque lié à des rendements inférieurs aux prévisions.
De nos jours, 83% des plans de pension appartiennent au type « charges fixées », où l’employeur s’engage à verser mensuellement un montant déterminé. L’employeur ne s’engage donc plus à avoir constitué un capital prédéterminé à la fin de la carrière de l’employé. Le risque de rendements faibles s’est déplacé vers le travailleur.
Colette de Dessus les Moustier: « Cette évolution révèle un changement de mentalité chez les travailleurs et les employeurs. Alors que la pension complémentaire était considérée jadis comme une mesure sociale, elle est désormais perçue avant tout comme une partie de la rémunération. De plus, un travailleur actuel réalise sa carrière professionnelle avec plusieurs employeurs. Du point de vue de l’employeur, un système à charges fixées est donc plus facile à budgétiser et à gérer. »
Selon Aon, le plan de pension « cash balance » offre un juste milieu et un équilibre idéal.
Ce plan hybride se situe à mi-chemin entre le plan basé sur « l’objectif à atteindre » et le plan « charges fixées ». Dans ce type de plan, c’est l’employeur lui-même qui détermine le niveau des primes investies et le rendement garanti. Cette formule ne représente encore que 3% des plans de pension, mais cette proportion grandit. Ce système comporte l’avantage que les employeurs, pendant les années de vaches grasses et quand les rendements sont élevés, peuvent se constituer un tampon pour compenser les futures années de vaches maigres ; un avantage supplémentaire au vu la volatilité que connaissent les marchés financiers.
Outre les écarts de recettes entre les plans de pension des cadres, des employés et des ouvriers, il existe également des disparités considérables entre les plans de pension. Pour commencer, il y a la différence entre les travailleurs avec plan de pension complémentaire et ceux qui n’en n’ont pas.
Colette de Dessus les Moustier: « Nous observons effectivement une augmentation du nombre de travailleurs avec plan de pension : il y a quatre ans, ils étaient 70%. Aujourd’hui, cette proportion est passée à 75%. »
Mais il existe aussi des disparités frappantes entre secteurs. Le secteur bancaire et financier offre, comme le secteur de l’assurance, les plans de pension les plus généreux. Le secteur des métaux est en queue de peloton, avec celui de la distribution et de la logistique. Le graphique ci-dessous illustre par secteur la situation médiane du capital de retraite brut des employés.
Cadres et employés forment clairement les catégories pour lesquelles les avantages de retraite sont les plus importants. On prévoit moins souvent de plan complémentaire pour les ouvriers et l’impact du futur statut unique est encore flou à ce stade.
La LPC (la loi relative aux pensions complémentaires du 28 avril 2003) établit l’obligation de mettre un terme à la différence de traitement entre ouvriers et employés en matière de pensions complémentaires. Ce statut unique devra être entré en vigueur au plus tard le 1er janvier 2025.
Colette de Dessus les Moustier: « Les partenaires sociaux sectoriels n’ont pas encore été en mesure de dégager la moindre trajectoire d’harmonisation. Les employeurs invoquent « l’effet boule de neige » et attendent une initiative sectorielle pour prendre eux-mêmes une quelconque initiative. Cette ligne attentiste ne laissera aux entreprises que deux années pour harmoniser la situation. »
L’étude d’Aon met également en garde contre un autre danger : les autorités, en harmonisant le deuxième pilier, créeront peut-être un nouveau déséquilibre. En vertu de la pension maximale légale, le taux de remplacement de la pension des ouvriers est plus élevé que celui des employés et des cadres. La pension complémentaire comble ce déséquilibre légal et crée un équilibre global, grâce auquel chaque groupe jouit grosso modo d’un taux de remplacement identique.
Les autorités, dans le cadre de l’harmonisation, ne se soucient que du deuxième pilier et ne regardent pas l’effet produit globalement sur le premier et le deuxième pilier.
La culture générale des Belges en matière de pensions est dramatiquement faible. L’enquête réalisée par Aon a mis en évidence que seulement 9% des salariés comprennent la composition exacte de leur rémunération, et les avantages d’une pension complémentaire. Le conseil d’Aon ? Les employeurs qui offrent des plans de pension devraient mieux expliquer leur importance à leurs travailleurs.
Colette de Dessus les Moustier: « Le travailleur belge ne semble pas être conscient de l’impact d’une assurance-groupe sur son niveau de vie après la vie active. Les employeurs consentent en général des efforts importants, mais le travailleur moyen ne saisit visiblement pas toute la portée. Nous conseillons donc aux employeurs de faire davantage d’information sur leurs plans de pension et d’aborder plus à fond le sujet au moment du recrutement. »